À la Roussière, dans le sud de la Mayenne, Catherine et Thierry ont transformé l’ancienne ferme familiale en un lieu unique, pensé comme un véritable écosystème autonome. Leur parcours, jalonné de voyages, de rencontres et de chantiers collectifs, illustre parfaitement ce qu’on appelle aujourd’hui un écolieu : un espace où habitat, énergie, agriculture et lien social se réinventent en harmonie avec la nature.
Un voyage fondateur : apprendre du monde entier
En 1994, alors que la ferme familiale leur est proposée, Catherine et Thierry décident… de repartir. Avec leurs deux enfants, ils entament un tour du monde à vélo pour découvrir des modes de vie alternatifs et des techniques de construction écologique.
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En Australie, ils séjournent à Crystal Waters, un écovillage emblématique fondé par les disciples de Bill Mollison, le père de la permaculture. Ils y apprennent la technique du pisé : des murs en terre compressée, capables de stocker la chaleur et de réguler naturellement la température.
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En Nouvelle-Zélande, ils découvrent des maisons en matériaux naturels étonnamment proches des plans qu’ils commençaient à imaginer eux-mêmes.
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En Europe et ailleurs, ils s’inspirent d’architectures vernaculaires où terre, bois et fibres végétales sont toujours les bases de l’habitat.
À la fin de leur voyage, une conviction s’impose : le paradis n’existe pas, il se construit. Ils décident alors de s’installer à la Roussière pour concrétiser leur vision.
Une maison bioclimatique : low-tech, efficace et économique
Entre 2002 et 2004, Catherine et Thierry construisent leur maison, aidés par des amis et des chantiers participatifs. L’objectif : un habitat bioclimatique, conçu pour capter, conserver et restituer naturellement l’énergie solaire.
Les 3 principes bioclimatiques de leur maison
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Capter la chaleur :
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Orientation plein sud avec de larges baies vitrées.
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Casquette pour bloquer le soleil d’été tout en laissant entrer celui d’hiver.
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Conserver la chaleur :
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Ossature bois remplie de bottes de paille locales (40 cm d’épaisseur).
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Isolation naturelle qui garde la chaleur l’hiver et la fraîcheur l’été.
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Stocker la chaleur et la fraîcheur :
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25 tonnes de pisé intégrées aux murs intérieurs.
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Une inertie thermique telle que la maison perd seulement 1°C en trois semaines sans soleil !
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Des matériaux locaux et peu coûteux
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La terre vient directement du terrain.
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La paille provient du champ voisin (300 à 400 € pour isoler toute la maison).
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Coût total de la maison : environ 50 000 € de matériaux pour 270 m², y compris les installations solaires.
👉 Résultat : une maison performante, confortable, économique et construite avec des ressources locales.
Un écolieu pensé comme un organisme vivant
La maison n’est qu’une partie du projet. Toute la ferme a été repensée selon les principes de la permaculture, avec l’aide de Pascal Depienne, formateur en design écologique.
Gestion de l’eau
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Phytoépuration : plusieurs bassins filtrants (fragmites, macrophytes, carex…) purifient naturellement les eaux grises.
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Baissières et stockage d’eau de pluie : un design hydrologique qui ralentit l’écoulement de l’eau, recharge les sols et permet d’irriguer le potager en période sèche.
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Bassin de baignade naturel : construit en famille sur 3 ans, avec filtration par plantes et graviers.
Jardin et production alimentaire
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Potager en permaculture : buttes, paillage, rotations.
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Serres bioclimatiques : l’une dédiée aux légumes classiques (tomates, salades, courgettes), l’autre expérimentale pour des espèces tropicales (orangers, kumquats, avocatiers).
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Forêt comestible : plantée en chantier participatif, elle accueille une diversité d’arbres fruitiers, d’arbustes et d’habitats pour la biodiversité.
Animaux et écosystème
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Poules et oies : œufs, alerte anti-renard, entretien du terrain.
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Chevaux en retraite (provenant d’un lycée agricole) : intégrés dans un système de Paddock Paradise, ils participent à la fertilité du site (fumier pour le compost).
Énergies renouvelables et autonomie
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Panneaux solaires thermiques : production d’eau chaude sanitaire de mars à octobre, couplée à un appoint en hiver.
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Éolienne à vent faible de 27 m : conçue pour fonctionner même avec des vents modérés, un prototype rare en France.
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Photovoltaïque : production injectée directement sur le réseau, choix assumé pour mutualiser l’énergie plutôt que stocker en batteries.
Thierry parle d’une véritable « sécurité sociale de l’énergie », où chacun contribue et bénéficie du réseau collectif.
Transmission et pédagogie
Dès 2002, le lieu attire la curiosité. Articles de presse, visites, formations… Catherine et Thierry ouvrent largement leurs portes.
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Pendant 10 ans, ils accueillent des CCP (cours certifiés de permaculture) et des centaines de stagiaires.
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Chaque premier samedi du mois, ils organisent des visites de leur maison et de leurs installations.
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Ils ont ainsi reçu plusieurs milliers de visiteurs, venus de toute la France et même de l’étranger.
Aujourd’hui, ils se consacrent davantage à leur vie familiale et à la transmission écrite et pratique à travers livres et ateliers.
Un message d’avenir
Thierry, professeur de technologie au collège, aime se définir comme « prof de vie ». Conscient de l’éco-anxiété des jeunes, il cherche à leur transmettre non seulement des constats, mais aussi des solutions concrètes.
« Ce n’est pas fini. Les jeunes ont toutes les cartes en main pour inventer une société plus durable, éviter les erreurs du passé et créer un avenir enthousiasmant. »
La Roussière, un modèle inspirant
En un peu plus de 20 ans, Catherine et Thierry ont démontré qu’il est possible de créer un lieu :
🌱 écologique, grâce à l’utilisation de matériaux locaux et aux énergies renouvelables,
🏡 résilient, en intégrant autonomie alimentaire et gestion de l’eau,
🤝 humain, en ouvrant leurs portes pour transmettre et partager.
La Roussière n’est pas un modèle figé, mais un lieu vivant, en évolution constante, qui prouve que l’autonomie est accessible à celles et ceux qui choisissent de « mettre la main à la terre ».