20 000 euros, un terrain, et l’envie de construire autrement
Tout commence en 2007. Pascal et Chenli, de retour de Chine, tombent sur une petite annonce : un terrain de 5 000 m² avec des anciens toits à cochons, un séchoir à tabac, en vente pour 20 000 €. Pas de maison habitable, pas d’eau, pas d’électricité, mais le potentiel est là. Ils achètent, s’installent et commencent à aménager.
Ils créent une première base de vie avec des moyens rudimentaires : récupération d’eau de pluie dans une cuve de 4 000 litres, toilette sèche, rocket stove open source, quelques panneaux solaires. La sobriété n’est pas subie, elle est choisie.
« L’idée c’était de montrer que la sobriété, ça peut être joli, c’est pas moche, c’est pas triste. »
La permaculture comme boussole
C’est en Thaïlande, dans un chantier de construction naturelle, que Pascal découvre la permaculture. Ce n’est pas le jardinage qui l’attire en premier, mais la manière de concevoir des lieux de vie durables. De retour en France, il se forme, observe, puis commence à transmettre.
Leur terrain devient un véritable laboratoire : maison en terre et paille, phytoépuration, mare, jardin en lasagne, forêt comestible, verger greffé, culture sur buttes, serre bioclimatique, etc. Chaque élément du lieu est pensé pour répondre à un besoin réel.
« La permaculture, c’est la conception consciente d’espaces de vie durables. Pas une idéologie. »
Construire, transmettre, partager
Rapidement, Pascal et Chenli ouvrent leur lieu. Ils organisent des stages, accueillent des volontaires, animent des formations. Plus de 200 stages ont lieu depuis 2009, autour de la permaculture, de la construction naturelle ou de l’autonomie énergétique.
Leur paillourte est un exemple d’autoconstruction accessible : charpente autoportée, fondations en pneus, murs en terre issue du creusement de la mare. Coût total : environ 3 000 euros.
C’est aussi un espace de vie collective. Pendant plusieurs années, jusqu’à six adultes et quatre enfants vivent sur le lieu, partageant les tâches, les décisions, les espaces.
« Faire ensemble, c’est ce qui crée le lien. Il n’y a pas besoin de ‘permaculture humaine’. Il faut juste faire ensemble. »
Forêt comestible et potager nourricier : un équilibre réaliste
Si la forêt comestible est à la mode dans les cercles permacoles, Pascal nuance l’engouement. Pour lui, une telle forêt ne suffit pas à nourrir une famille, surtout pas à court terme. Elle est complémentaire, précieuse pour la biodiversité et la diversité alimentaire, mais c’est le potager qui reste l’élément central de l’autonomie.
Sur leur terrain, ils ont donc développé un potager de 150 à 300 m² selon les années, nourrissant jusqu’à 6 personnes. Culture sur buttes, associations végétales, rotation, paillage : tout est mis en œuvre pour produire sans intrants extérieurs.
« Une forêt comestible, c’est pas un garde-manger. Si tu crois que tu vas nourrir cinq personnes en cueillant des feuilles, t’es mal barré. »
Sobriété énergétique, eau de pluie et low-tech
Leur installation électrique repose sur 3 kW de panneaux solaires, une gestion fine de la consommation, et une autonomie électrique quasi totale. Le système est simple, peu coûteux, et fonctionne depuis 15 ans sans panne majeure.
L’eau provient intégralement de la pluie. Deux cuves de récupération et un réseau gravitaire suffisent pour la cuisine, l’hygiène, l’arrosage. Des techniques simples et rustiques permettent une grande efficacité sans débauche de technologie.
Un rapport pragmatique au vivant
Dans leur verger, Pascal et Chenli plantent, greffent, coupent, testent. Ils n’hésitent pas à tailler sévèrement un arbre malade, à remplacer un arbre improductif. Le vivant n’est pas sacralisé, mais respecté pour ce qu’il est : un système dynamique, à accompagner plus qu’à contrôler.
Ils cohabitent aussi avec la faune : les poules se font parfois manger par le renard, les récoltes sont partagées avec les merles, les limaces mangent des plants. C’est le jeu, et ils acceptent cette perte naturelle.
Une vie sobre, mais joyeuse
Loin des clichés d’un retour à la terre austère ou sacrificiel, leur projet est joyeux, vivant, foisonnant. La beauté du lieu, la simplicité des gestes, la diversité des formes de vie rendent chaque journée différente.
Leur parcours inspire, sans imposer de modèle. Ils ne vendent pas de solution miracle, mais partagent des outils, des expériences, des erreurs. Leur message est clair : chacun peut commencer là où il est, avec ce qu’il a.
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