Une turbine low-tech au service de l’autonomie énergétique et de la biodiversité

Dans un ancien moulin des Pyrénées, l’association Vicetta expérimente une turbine low-tech en bois, respectueuse des poissons et de la biodiversité. Une démarche collective qui mêle énergie renouvelable, patrimoine, sobriété numérique et autonomie locale. Un projet concret et inspirant à l’échelle d’un petit ruisseau… mais aux idées puissantes.

Un projet entre innovation, écologie et patrimoine

Dans un ancien moulin situé à la frontière entre la Haute-Garonne, l’Ariège et les Hautes-Pyrénées, une équipe engagée a décidé de faire revivre l’énergie hydraulique en la mettant au service d’une démarche expérimentale, écologique et low-tech. Porté par l’association Viseta, ce projet est né de la rencontre entre deux ingénieurs, Thomas et Loïs, animés par une volonté : créer une turbine respectueuse de la biodiversité et produisant une énergie décarbonée.

La solution retenue ? Une vis d’Archimède, aussi appelée vis sans fin, installée directement dans le cours d’eau. Cette technologie permet non seulement de produire de l’électricité, mais aussi de préserver la continuité écologique : les poissons peuvent descendre ou remonter la rivière sans obstacle, grâce à cette sorte de « toboggan tournant ».

Un lieu unique et un collectif engagé

Le moulin accueille aujourd’hui deux entités complémentaires :

  • Un studio de communication écoresponsable (Rêver les futurs),

  • Le prototype expérimental de la turbine Viseta, qui alimente en électricité un serveur basse consommation.

L’objectif est clair : incarner une cohérence entre la vie professionnelle, personnelle et les convictions écologiques. Comme le dit Laetitia, l’une des membres

« On ne peut pas faire de l’écoconception la journée et vivre comme si de rien n’était le soir. »

De la théorie à l’expérimentation : construire ensemble

Ce projet repose sur une logique expérimentale, coopérative et locale. Dès le départ, Thomas et Loïs ont compris qu’ils ne pourraient pas tout faire seuls. C’est pourquoi Viseta s’est entourée de lycées, centres de recherche, artisans locaux (comme le menuisier Bertrand) et d’autres passionnés d’écologie et de patrimoine.

« Dès le début, on s’est dit : tout seul, on n’y arrivera pas. »

La turbine, conçue en bois, est montée sur place en kit, ce qui permet de contourner les difficultés d’accès fréquentes dans les anciens moulins. Cette approche « low-tech » vise une maintenance simple, accessible à tous, y compris au propriétaire du moulin.

Un prototype à échelle réduite, mais plein d’enseignements

Le prototype actuel, en échelle 1/2, produit entre 150 et 200 watts. Ce n’est pas beaucoup, mais suffisant pour alimenter un usage ciblé comme un serveur informatique. L’objectif n’est pas l’autonomie totale, mais la production locale et adaptée à un besoin précis.

L’équipe insiste : la puissance n’est pas le seul critère. Ce qui compte, c’est la continuité de production, notamment en hiver et la nuit, périodes où d’autres énergies renouvelables sont moins efficaces. En complément du solaire, cette turbine peut former un système hybride pertinent.

Une technologie pensée pour durer et être reproduite

La vis en bois est composée de pièces interchangeables, faciles à réparer. Le design évolue : une version V3 est déjà en cours de développement, avec des améliorations en matière de performance, de fabrication et de résistance.

Par ailleurs, l’équipe travaille sur d’autres éléments essentiels à l’exploitation d’un moulin : des vannes de régulation low-tech, des solutions électroniques simples (type Raspberry Pi) pour le contrôle, et bientôt des formations destinées à transmettre ces savoirs.

Une plongée dans l’histoire des moulins

Le projet Viseta ne s’inscrit pas seulement dans le futur, mais aussi dans une revalorisation du patrimoine historique. Le site est fondé en titre, c’est-à-dire qu’il bénéficie d’un droit ancien d’usage de l’eau, antérieur à la Révolution française.

Jérémy, propriétaire du lieu et passionné d’histoire, a retrouvé des documents d’archives, comme des procès-verbaux de conflits liés à l’irrigation datant de 1824. Ces recherches participent à la reconnaissance juridique du droit d’eau et à la protection du site.

Vers une autonomie numérique et énergétique locale

La turbine actuelle ne produit pas beaucoup, mais elle s’inscrit dans une logique d’ensemble : sobriété, cohérence, autonomie. Les membres du collectif utilisent des toilettes sèches, une cuisinière à bois bouilleur, et ont isolé leur espace de travail avec des enduits terre-paille faits maison.

Leur objectif : réduire les besoins énergétiques en amont, pour que la production même modeste soit suffisante. Le tout en s’inscrivant dans une logique de réemploi, de low-tech et d’open source.

Une aventure collective et évolutive

Viseta, c’est avant tout une aventure collective. Au fil du temps, l’association s’est enrichie de nouvelles compétences, de partenaires variés, de synchronicités heureuses. De nouvelles personnes rejoignent l’équipe, comme Simon en Bretagne ou Maxime de Moulin Demain, chacun apportant son expertise.

« Moi, je le vois aussi personnellement sous cet angle collectif parce que l’autonomie seule, c’est pas très intéressant et c’est plus compliqué. »

La force de ce projet tient dans cette intelligence collective, dans l’humilité d’une démarche en constante évolution et dans l’ancrage local. À la croisée des chemins entre énergie, patrimoine, écologie et transmission, Vicetta trace un sillon inspirant pour celles et ceux qui veulent bâtir des alternatives concrètes.

Pour retrouver l’association Viseta

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